mardi 22 octobre 2013

Le caillou et la comète.

    Comme dit dans le dernier post, je suis sur mon projet Reykjavík (Reyk, pour les intimes). Mais avant lui, il y en avait un autre.
Un seul autre en réalité. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours travaillé sur ce projet qui grandissait avec moi à chaque correction. L'idée que je m'en faisais évoluait sans cesse tant et si bien que lorsque je parvenais au bout d'un cycle de corrections, il me fallait tout reprendre depuis le début parce qu'entre temps s'étaient greffés de nouveaux éléments qui déséquilibraient toute l'intrigue.

    Si je devais expliquer comment se passe la genèse des idées dans ma tête, je décrirais celle-ci comme un morceau d'univers : grand, vide, sombre. Et de temps en temps, sous la forme de points lumineux, y naissent des idées. Des étoiles d'imaginaire, comme quelqu'un l'a joliment résumé.

    Au début, mon ciel était complètement noir. Logique. Déprimant, mais logique.
    Qu'à cela ne tienne, j'ai trouvé un caillou qui dérivait là. Ce n'était pas une de ces jolies étoiles que j'espérais, mais peu importe, j'ai sorti le lasso et je lui ai mis le grappin dessus. Une fois arrimé, je l'ai examiné, observé sous toutes les coutures pour déterminer comment le transformer en astre, puis j'ai commencé à le tailler. Les essais n'étaient guère concluants : ses branches étaient trop grosses, puis trop longues, puis il lui en manquait une (et encore, dans les bons moments).
    Bref, c'était à treize ans l'équivalent littéraire des bonshommes patates que je dessinais dix ans plus tôt.


    Avec le temps, dans les profondeurs au-dessus de ma tête sont apparues des lueurs. Des idées que j'accrochais tout là-haut, bien en vue pour ne pas les oublier.
    Certaines brillaient plus que d'autres, certaines m'appelaient plus fort, certaines semblaient d'ailleurs déjà avoir une vague forme d'étoile, mais je restais sur mon caillou (toute ressemblance à un mollusque sur son rocher est purement fortuite) et y serais probablement toujours, lorsqu'une nuit, mon ciel s'embrasa.

    D'un bout de ma petite galaxie apparut une vive lumière, une idée sous forme d'étoile filante. Et quand la comète passa près de moi, aveuglante, véloce, puissante, j'ai sauté dessus sans réfléchir et elle m'a emporté à l'autre bout du ciel, loin de mon caillou.

 

    Pour l’instant donc, je bosse sur Reyk, mon étoile en fusion, et ça change beaucoup.

   D’abord, je commence de zéro, alors qu’avec mon caillou, j’avais toujours les versions précédentes, le processus d'écriture n'était qu'améliorations permanentes. Cette fois-ci, j'ai commencé ex-nihilo et au début je ne savais même pas par quel bout la prendre. Je suppose même que bosser si longtemps sur mon caillou a laissé des séquelles, car je préfère corriger qu’écrire un premier jet.
   
    Face à une feuille blanche et malgré un plan détaillé, j’ai du mal à imaginer mes scènes. Les premiers essais sont laborieux et laids au possible. Mais une fois que ces phrases, même bancales sont posées, hop ! je visualise, j’ai de la matière à retoucher, je trouve où ajouter des nuances, où insister, comment modifier le ton pour atteindre mon objectif.
     Appelons ça le syndrome du caillou.

     Reyk est différent de mon caillou (normal, c’est un gros machin en fusion). Il a été beaucoup plus facile de lui trouver sa structure définitive. Son début, sa fin, son ton général, ses thèmes. Car malgré les années passées dessus, mon caillou porte bien  son nom. Au fond, s'en est toujours un. Un truc terne et informe. Il n'est pas né étoile. Il a dû se détacher d'une autre idée à un moment et depuis il erre dans le vide.
     Mais ça ne fait rien. Pas parce que c’est le premier caillou que j'ai trouvé (ça on s’en fiche), mais parce c’est ce caillou. Le caillou qui m'aimante, le caillou qui m'enthousiasme toujours autant. Et un jour, à force de le polir, j’en ferai jaillir une étincelle. Une étincelle tellement forte, qu’il brillera de l’intérieur.
    Parce que mon caillou ne sera pas une étoile. Ce sera un soleil.



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